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16 avril 2020 - Aurélie Desbordes

La responsabilité pénale du chef d’entreprise et des personnes morales.


Le chef d’entreprise est pénalement responsable des infractions commises par ses préposés dès lors que ceux-ci agissent dans l’exercice de leurs fonctions.

L’infraction doit donc avoir un lien avec l’entreprise (Cass. crim., 28 janv. 1859).

Par « préposés », il faut entendre les salariés de l’entreprise.

Quant à la notion de « chef d’entreprise », elle désigne le dirigeant de droit mais également le gérant de fait c’est-à-dire celui qui exerce, en lieu et place du dirigeant de droit ou à ses côtés, des prérogatives normalement réservées au chef d’entreprise.

Cependant il doit être précisé que seule peut être recherchée la responsabilité pénale de celui qui dirigeait l’entreprise au moment des faits (Cass. crim., 3 avr. 2013, n° 12- 82.551).

La responsabilité du dirigeant est fondée sur l’idée que l’employeur a l’obligation de veiller à l’observation de la législation par ses préposés. Ainsi, si une infraction est commise, c’est parce que le dirigeant a fait preuve de négligence dans la surveillance de ses salariés.

Autant dire que dans les faits, la faute du chef d’entreprise est quasiment présumée puisque les dirigeants sont réputés disposer des moyens et pouvoirs nécessaires pour faire respecter la réglementation à leurs salariés.

Par ailleurs, si la responsabilité pénale du chef d’entreprise n’intervient en pratique que de manière indirecte au regard de la réalisation du dommage, l’existence d’une faute est facile à établir lorsqu’une réglementation particulière préexiste. C’est le cas lorsqu’il y a violation d’une obligation de sécurité par exemple.

 

Les conditions de l’exonération du chef d’entreprise 

Le chef d’entreprise ne peut s’exonérer de sa responsabilité que de deux manières :

⇒ En rapportant la preuve d’une faute de la victime qui doit être la cause exclusive du dommage

Par exemple, il ne saurait être reproché à un chef d’entreprise d’avoir omis de donner à un salarié la formation prévue par le code du travail, dès lors qu’à son insu, ce salarié a de sa propre initiative, entrepris d’exécuter une tâche différente (Cass. crim., 23 oct. 1990).

⇒ En invoquant la délégation de pouvoirs

La délégation de pouvoir constitue le seul moyen efficace pour le chef d’entreprise de s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Les conditions de la délégation de pouvoirs sont multiples :

→ Le délégant ne peut être que le chef d’entreprise.

→ La délégation de pouvoirs doit être nécessaire : le dirigeant qui veut déléguer ses pouvoirs doit rapporter la preuve qu’il lui était matériellement impossible d’exercer seul un contrôle satisfaisant.

Cette impossibilité peut tenir à la taille de l’entreprise (eu égard notamment au nombre d’employés), à la complexité ou au degré de spécialisation du travail (exemple du directeur de supermarché qui va déléguer ses pouvoirs à un chef de rayon) ou encore à la zone d’activité de l’entreprise (exemple d’une société dans le BTP qui a des salariés sur plusieurs sites en même temps).

→ La délégation doit être précise, c’est-à-dire en rapport avec un secteur d’activité déterminé et spéciale. Le dirigeant ne peut en effet déléguer qu’une partie de ses fonctions.

 

Concernant le délégataire :

→ Celui-ci doit être subordonné au délégant. C’est donc un salarié de l’entreprise ou du groupe dont fait partie celle-ci. A contrario, un individu totalement étranger à l’entreprise ne peut être valablement investi d’une délégation de pouvoirs.

Il est possible, à l’occasion de l’attribution d’un marché, que les sociétés constituées en un groupement désignent un délégataire unique en charge du contrôle du chantier.

→ Le préposé doit avoir accepté la délégation 

→ Enfin, il doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour remplir la mission déléguée

Si le dirigeant parvient à rapporter la preuve d’une délégation de pouvoirs effective et efficace, et ce par tout moyen, sa responsabilité pénale sera automatiquement transférée sur la personne du délégué.

 

Le chef d’entreprise peut également engager la responsabilité de sa société, personne morale.

En effet, l’article 121-2 alinéa 1er du Code pénal, dispose que « les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Il est donc possible, depuis le 1er janvier 2006, de retenir la responsabilité pénale des personnes morales pour toutes les infractions pénales sauf en matière de délits de presse et pour les infractions commises par un moyen de communication audiovisuelle.

La responsabilité pénale de la personne morale ne peut être engagée qu’à deux conditions :

L’infraction est commise par un organe ou un représentant de la personne morale : les organes de droit, les dirigeants de fait, les représentants judiciaires de la personne morale, ainsi que les représentants conventionnels (comme le préposé pourvu d’une délégation de pouvoirs).

L’infraction est commise pour le compte de la personne morale : ainsi si l’infraction a été commise dans l’intérêt exclusif du représentant, seule la responsabilité de ce dernier peut être retenue.

Dans le cas d’une délégation de pouvoir effectuée par plusieurs personnes morales intervenant conjointement dans le cadre d’un groupement d’entreprise,  le délégataire ainsi désigné est susceptible d’engager sa responsabilité pénale en cas de manquements en matière d’hygiène et de sécurité des travailleurs.

En revanche, il n’est pas possible d’engager la responsabilité pénale de la société dont il est le salarié. En effet, le salarié-délégataire du groupement n’agit pas « pour le compte » de son employeur, mais pour le compte du groupement.

C’est alors la personne morale, employeur de la victime,  qui doit répondre de l’infraction. (Cass. crim. 13 oct. 2009 n° 09-80.857, Cass. crim., 23 nov. 2010 n° 09-85.115).

Enfin, les structures sociétaires dépourvues de la personnalité morale ne peuvent être poursuivies sur le plan pénal.

Il en va de même en cas de dissolution d’une société ou de fusion entre sociétés.

En effet, la fusion fait perdre à la société absorbée son existence juridique. Dès lors, l’action publique est éteinte à son égard (Cass. Crim., 9 févr. 2010, n° 09-81.574).

A noter que la Cour de Justice de l’Union Européenne considère au contraire qu’une fusion-absorption entraîne la transmission à la société absorbante de la responsabilité pénale de la société absorbée et partant, l’obligation de payer l’amende infligée à cette dernière pour des infractions commises avant la fusion (CJUE, 5 mars 2015, Modelo Continente Hipermercados, aff. n° C-343/13). 

 

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AUTEUR

Aurélie Desbordes

Avocate associée

Passer du conflit au dialogue.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. » Georges Clemenceau (1841 - 1929)

Aurélie Desbordes a créé son propre cabinet et y a pratiqué tous types de contentieux avant de rejoindre l’équipe. Cette expérience l’a convaincue qu’aucune partie ne sortait jamais indemne d’une procédure judiciaire, gagnante ou perdante. Certifiée praticienne du Droit collaboratif, elle démontre tous les jours aux clients, ainsi qu’à leurs adversaires, qu’il est possible de résoudre un différend ensemble, tout en préservant les relations d’affaires : conserver un partenaire vaut mieux que gagner un ennemi.

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