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30 octobre 2020 - Aurélie Desbordes

Assurance RC professionnelle des architectes : quand l’absence de déclaration entraine l’absence de garantie


La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a rendu deux arrêts intéressants le 1er octobre 2020 en matière d’assurance RC professionnelle des architectes.

Ainsi elle a jugé que « Lorsque, dans un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle d’un architecte ne relevant pas de l’assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l’absence de déclaration d’un chantier entraîne une non-assurance ; cette clause est, en outre, opposable à la victime, le droit de celle-ci contre l’assureur puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d’assurance » (Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 19-18.165, P+B+I)

De même « en l’état d’un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle d’architecte soumettant la garantie de l’assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l’omission de déclaration équivaut à une absence d’assurance, opposable au tiers lésé ».  (Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 18-20.809, P+B+I).

 

  • L’architecte : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.

L’architecte joue un rôle primordial dans une opération de construction.

Il est à la fois chargé de concevoir l’ouvrage sur le plan architectural mais également sur le plan technique.

Il dirige et contrôle l’exécution des travaux. Il conseille également le maître d’ouvrage tout au long de l’opération de construction sur les aspects techniques, financiers, administratifs et juridiques du projet.

L’étendue des obligations de l’architecte est donc vaste : devoir de conseil et de renseignement vis-à-vis du maitre d’ouvrage, obligation de collaborer loyalement avec les autres intervenants à la construction s’il s’est vu confier une mission complète… Sans oublier les multiples obligations techniques qui pèsent sur lui dès la phase de conception jusqu’à la réception de l’ouvrage par le maitre d’ouvrage.

En matière d’assurance, l’architecte, en sa qualité de constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil, est soumis à l’obligation d’assurance de responsabilité décennale prévue à l’article L. 241-1 du Code des assurances.

Ainsi, l’architecte est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination

Comme dans toute profession réglementée, il est également couvert par une assurance RC professionnelle en vertu de l’article 16 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, “tout architecte, personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée en raison des actes qu’il accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés, doit être couvert par une assurance. Chaque année, toute personne assujettie à cette obligation produit au conseil régional de l’ordre des architectes dont il relève une attestation d’assurance pour l’année en cours”.

A côté de l’assurance décennale et l’assurance RC professionnelle toutes les deux obligatoires, les architectes peuvent également souscrire d’autres assurances RC non obligatoires mais fortement recommandées.

 

  • L’enseignement des deux arrêts du 1er octobre 2020

 

⇒ L’arrêt n°18-20.809

 

Les faits :

Un particulier (Mme X) confie à un architecte (M. Y) assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), la réalisation de deux bungalows. Les travaux démarrent en février 2008 et sont abandonnés en avril 2008. Madame X assigne l’architecte et son assureur, la MAF, en résolution du contrat et indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

La Cour d’Appel condamne la MAF à garantir les condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur Y. En effet, elle retient que la clause des conditions générales du contrat d’assurance précisant que l’absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, et contredisant les dispositions de l’article L. 113-9 du code des assurances (qui prévoit une réduction de l’indemnité et non une absence de garantie en cas d’omission de la part de l’assuré) doit être écartée.

 

Les moyens :

La MAF fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au particulier la somme de 91 460,44 euros, en s’appuyant sur les conditions générales du contrat souscrit par l’architecte : « alors que l’article 5.21 des conditions générales du contrat d’assurance souscrit par Monsieur Y stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d’absence de déclaration d’une mission, la réduction de l’indemnité ne peut être calculée par référence à l’ensemble des chantiers déclarés annuellement par l’architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a rappelé que l’architecte avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme X… le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l’ensemble des missions au titre de l’année 2008, dénaturant ainsi l’article 5.21 des conditions générales du contrat d’assurance, en violation de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »

 

La réponse de la Cour :

La Cour rend sa décision au visa de l’ancien article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et des articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Il résulte de la combinaison des articles L112-6 et L124-3 du code des assurances, que l’assureur peut opposer au tiers lésé, qui invoque le bénéfice de la police, les exceptions opposables au souscripteur originaire.

La décision de la Cour est claire: en l’état d’un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle d’architecte soumettant la garantie de l’assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l’omission de déclaration équivaut à une absence d’assurance, opposable au tiers lésé.

 

⇒L’arrêt n° 19-18.165

 

Les faits :

Monsieur et Mme Z confient, sous la maîtrise d’œuvre de M. X, architecte assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF),  la rénovation et l’agrandissement de leur maison à la société C, placée ultérieurement en liquidation judiciaire. Les travaux de gros œuvre sont sous-traités à la société D. Des désordres apparaissent en cours de chantier. Monsieur et Madame Z. assignent Monsieur X et la MAF en indemnisation.

La Cour d’appel condamne Monsieur X et rejette l’appel en garantie formé par ce dernier à l’encontre de la MAF.  Elle se fonde sur les dispositions de l’article 5.21 des conditions générales du contrat d’assurance à savoir que l’adhérent doit fournir à l’assureur pour le 31 mars de chacune des années suivant celle de la souscription du contrat, la déclaration de chaque mission.

Cette déclaration constitue une condition de la garantie. Or, La Cour constate que Monsieur X n’a pas déclaré au plus tard le 31 mars 2013 la mission de maîtrise d’œuvre confiée par Monsieur et Madame Z en septembre 2012.

Dès lors, l’omission de la déclaration entraînant une absence de garantie, l’appel en garantie formé par Monsieur X à l’encontre de la MAF est rejeté.

 

Les moyens :

Monsieur X fait grief à l’arrêt de rejeter son appel en garantie contre la MAF, alors « que l’omission ou la déclaration inexacte de l’assuré est sanctionnée par la réduction proportionnelle de l’indemnité et ne peut être analysée en une condition de la garantie dont la méconnaissance emporterait une absence de garantie; qu’en l’espèce, l’exposant rappelait que le contrat imposait à l’architecte dont la responsabilité était assurée de déclarer à l’assureur les chantiers auxquels il prenait part et, en l’absence d’une telle déclaration, renvoyait à l’article L. 113-9 du code des assurances lequel prévoit de manière impérative, en ce cas, une réduction proportionnelle de la prime ; qu’en jugeant toutefois qu’il résultait du contrat d’assurance que « l’obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de la garantie et son omission une absence de garantie », la cour d’appel a violé par refus d’application l’article L. 113-9 du code des assurances, pris ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.»

 

La réponse de la Cour :

Lorsque, dans un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle d’un architecte ne relevant pas de l’assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l’absence de déclaration d’un chantier entraîne une non-assurance.

Cette clause est, en outre, opposable à la victime, le droit de celle-ci contre l’assureur puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d’assurance.

Toutefois, la cour de Cassation rappelle qu’en présence d’une telle clause, l’architecte n’est assuré pour chaque chantier qu’après sa déclaration. Dès lors, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l’assureur qui délivre une attestation d’assurance avant que la déclaration de chantier qui conditionne la garantie n’ait été effectuée.

 

Conclusion : En matière d’assurance RC professionnelle, en présence d’une clause faisant de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, l’architecte-assuré doit déclarer chacune de ses missions pour pouvoir prétendre à cette garantie.

En cas d’omission de cette déclaration, il ne pourra se prévaloir de la garantie.

L’assureur pourra opposer au tiers lésé qui invoque les bénéfices de la police les exceptions opposables au souscripteur originaire.

 

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AUTEUR

Aurélie Desbordes

Avocate associée

Passer du conflit au dialogue.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. » Georges Clemenceau (1841 - 1929)

Aurélie Desbordes a créé son propre cabinet et y a pratiqué tous types de contentieux avant de rejoindre l’équipe. Cette expérience l’a convaincue qu’aucune partie ne sortait jamais indemne d’une procédure judiciaire, gagnante ou perdante. Certifiée praticienne du Droit collaboratif, elle démontre tous les jours aux clients, ainsi qu’à leurs adversaires, qu’il est possible de résoudre un différend ensemble, tout en préservant les relations d’affaires : conserver un partenaire vaut mieux que gagner un ennemi.

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